
Posté le 11 mars 2023.
J’avoue volontiers avoir d’abord porté mon attention sur ce jeu en raison de ses visuels atypiques. Après avoir lu son descriptif sur la page du magasin Steam (plutôt détaillé, c’est à souligner), il se trouve que celui-ci aurait autre chose à mettre en avant qu’une simple plastique aguichante. Alexander Goodwin, son créateur avait déjà développé en 2017 Algotica Iterations et le jeu Mechanism en 2018, un jeu d’aventure à énigmes qui reçut au moment de sa sortie un accueil mitigé de la part des joueurs. Réussi d’un point de vue graphique, celui-ci rencontrait de gros problèmes d’équilibrage dans la difficulté et des soucis d’optimisation. Pour son troisième jeu, Alexander Goodwin aura-t-il redressé la barre pour pouvoir proposer un jeu aussi original que réussi ? Car oui, l’originalité et la prise de risque ne sont pas nécessairement gages de réussite, faut-il aussi que le produit fini soit agréable à se mettre sous la dent. C’est comme le jelly à l’orange, c’est joli et original, mais c’est pourtant dégueulasse et il n’y a que les anglois pour en bouffer. Petit tour d’horizon que Selfloss aura donc à nous proposer.
Dans Selfloss, vous incarnerez un vieillard qui part à l’aventure avec son bâton magique dans un monde fantasy inspiré des mythologies russes et islandaises. Un environnement aux inspirations inhabituelles, qu’il sera possible d’explorer à pied ou en bateau. Ces choix de background relèvent déjà d’un certain sens de l’audace de la part du développeur. Cela fait des années que l’on nous sert de la mythologie scandinave jusqu’à l’écœurement, que l’heroic fantasy représentée dans le jeu vidéo est inspirée principalement du monde de J. R. R. Tolkien et il est vrai qu’un peu de renouveau ne ferait pas de mal. Non pas que Tolkien soit une mauvaise source d’inspiration, bien au contraire, il est même un pilier central de la culture de l’heroic fantasy moderne. Admettons que vous adorez le gratin dauphinois, un fondement de la gastronomie française ; mangez-en pendant quelques mois à chacun de vos repas et vos toilettes vous expliqueront très vite pourquoi c’était une mauvaise idée. Il est donc très agréable de voir qu’un développeur sort de la zone de confort générale pour proposer un univers unique. Selfloss mérite déjà d’être surveillé pour cette première raison.
Ensuite, comme évoqué plus haut, l’esthétique du jeu a de quoi elle aussi retenir l’attention. Arborant un look low-poly qui lui sied à ravir et des couleurs automnales parfaitement charmantes, la direction artistique empruntée par Alexander Goodwin est au premier coup d’œil une réelle réussite. Ce dernier s’est inspiré de la période artistique postimpressionniste (1880-1910), laps de temps qui représente dans l’histoire de l’art une rupture de l’élan impressionniste. Même si on ne peut pas considérer cette appellation comme un courant à proprement parler puisque qu’elle englobe à elle-même bon nombre de courants et de styles différents, on peut néanmoins y relier des grands noms de la peinture : Paul Cézanne, Vincent Van Gogh ou Henri de Toulouse Lautrec pour les plus connus. Autant dire qu’Alexander Goodwin n’a pas choisi les derniers des péquenots en source d’inspiration. Son univers fleure bon le voyage, la poésie et l’invitation à la rêverie : décors expressifs répondant à la loi du contraste simultané (lorsque deux couleurs sont juxtaposées, on les voit encore plus différentes que vues séparément), créatures mythologiques étranges et magie omniprésente. Voilà encore une belle démonstration que l’Unreal Engine 4 n’est pas qu’un moteur voué nécessairement à la représentation réaliste.
Un troisième point qui pourrait faire de Selfloss une production unique en son genre réside en le fait que le bâton magique emporté par le personnage principal au cours de ses pérégrinations semble être au cœur du gameplay du jeu. Si on en croit le descriptif du jeu, cet artefact qui accompagnera le héros tout le long de ses péripéties, sera jouable à part entière. Sur le trailer de lancement du jeu, on peut en effet voir le bâton servir d’arme ou d’aide auxiliaire pour réussir une énigme. SI les zones d’ombres sont encore nombreuses à propos de cet aspect-là, l’idée de la personnification d’un objet inerte mis au service du gameplay pourrait être gagnante. Ce bâton emprunt de magie permettrait au vieillard d’aider les créatures rencontrées sur son chemin ; chemin emprunté pour guérir lui-même son âme blessée en pratiquant le Selfloss, un rituel ancien.
Le futur bébé d’Alexander Goodwin a réellement de quoi séduire : un univers original et peu visité dans le monde vidéoludique, une esthétique réussie et un gameplay orienté aventure aux accents de récit initiatique. Le descriptif du jeu est alléchant et les trailers ont eux aussi de quoi séduire. Ce n’est certainement pas pour rien que cette production a été nominée quatre fois dans deux événements différents en 2019 : Meilleur jeu sous l’Unreal Engine à l’Indie Cup ; prix du meilleur jeu indépendant, prix de l’excellence narrative et de l’excellence audio au DevGAMM. Il ne reste plus qu’à voir le résultat final après cinq ans de développement. Rendez-vous au deuxième trimestre 2023 pour avoir la réponse.
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